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La santé mentale au travail, on peut tous faire notre part !

Nous sommes tous différents et c’est ce qui fait la magie des équipes. Apprendre à vivre et accepter la différence est l’un des plus grands pouvoirs qu’une équipe peut se donner. Et en tant que leader nous avons la responsabilité de créer des environnements de travail adapté à tous, par conséquent, nous avons la responsabilité d’aider nos collègues et employés affectés par un problème de santé mentale à se sentir bien. Malheureusement, peu de personnes savent comment réagir et quoi faire.

Cet article est une commande faite à un collègue qui m’a aidé à cheminer en tant que leader. Je lui ai donc demandé de partager ses idées et astuces sur le sujet. Merci Benoit d’avoir pris le temps de partager ta vision sur le sujet.

Texte de Benoit Hamelin

Mieux vivre les aléas de la santé mentale au travail

Plusieurs des meilleurs professionnels de mon réseau souffrent, comme moi, de problèmes de santé mentale. Il s’agit d’un état normal des choses: les gens qui vivent avec de telles affections s’investissent dans leur carrière et leur travail malgré cette souffrance. Ils sont aussi motivés à atteindre leurs objectifs professionnels que les autres.

Cependant, certains environnements et certaines pratiques peuvent minimiser cette souffrance et son impact sur notre performance. J’aimerais discuter ici de mon expérience de la maladie mentale en milieu de travail, afin de faciliter l’intégration de mes semblables dans vos propres équipes.

Comprendre la souffrance mentale

Une souffrance physique

Je connais malheureusement très peu de gens qui n’ont jamais fait l’expérience d’une douleur immense, paralysante — quelle chance ça doit être! Il y a quelque temps, mon meilleur ami a souffert d’une hernie discale aiguë. La gravité de sa situation a augmenté rapidement: en quelques jours, il est passé de la posture courbée, à cloué au lit, puis à incapable de ne pas gémir à chaque respiration. Se lever était, pour lui, hors de question; tout comme dormir, par ailleurs. Il a perdu toute concentration, puis il s’est mis à avoir de la peine à suivre une conversation — pas qu’il avait grand-chose à dire de toute façon. Il a été admis à l’hôpital quelques jours plus tard, enfin placé sous sédation, puis opéré. Cette chirurgie a marqué le début d’un long processus de guérison: physiothérapie, rééducation, retrait progressif de la sédation…

Mon ami n’a commencé à réintégrer son activité professionnelle qu’après 4 mois, à temps partiel. Il a fallu 8 mois en tout pour que les choses reviennent à la normale et qu’il soit en mesure de faire face aux mêmes responsabilités; et 12 mois pour qu’il les accomplisse au même niveau de performance.

Une souffrance mentale

J’ai une autre amie qui a sombré dans une profonde dépression. La gravité de sa situation a évolué rapidement: en quelques jours, elle est passée de constamment triste, à une perte totale d’appétit, pour finir par ne plus savoir comment ou pourquoi quitter son lit. J’aimerais pouvoir continuer le parallèle avec l’histoire de mon ami terrassé par cette hernie discale, mais malheureusement l’analogie s’arrête ici, car en appelant au bureau pour informer qu’elle était incapable de se présenter au travail, l’assistante de son patron lui a suggéré de se botter les fesses et de sortir du lit, elle lui a dit qu’elle avait probablement plus d’énergie qu’elle ne le pensait.

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Le pire, c’est que mon amie a cédé, elle a sauté du lit, ravalé un sanglot, s’est habillée, s’est maquillée, et s’est rendue au travail. Elle n’a pris aucun congé. Elle en a été félicitée! Cette amie a en par chance reçu les soins psychiatriques nécessaires, mais pouvez-vous imaginer sa souffrance? Vous pouvez aussi imaginer qu’elle n’était pas au meilleur de sa carrière. La peur du jugement l’a gardée sur les rails, mais au détriment de sa vie personnelle et de ses aspirations envers l’entreprise qui l’employait alors.

Deux poids, deux mesures

Naturellement, ces deux histoires, bien que réelles, mettent en contraste des expériences extrêmes. Mon but ici est d’illustrer comment la maladie physique et la maladie mentale ne sont pas considérées de la même façon par les collègues  et les supérieurs d’une personne qui en souffre. Encore aujourd’hui, en 2020, on n’accorde pas à la souffrance mentale la même importance qu’à une douleur physique équivalente. Au contraire, cette souffrance est évacuée, ignorée négligée, émoussée par divers abus; rarement traitée et mitigée. Pourtant, cette souffrance n’en demeure pas moins réelle. Elle réduit les capacités physiques et cognitives d’une personne de la même façon.

Les gens souffrant de problèmes de santé mentale, qu’ils soient traités ou non, adhèrent fréquemment à un style de vie et un rythme de travail normatif. Le syndrome de ces gens est dit de “high functioning”. La douleur est contrôlée ou masquée par des moyens sains ou malsains. La personne dans cette situation n’a plus l’énergie nécessaire pour faire face à cette mascarade, elle doit donc prioriser et éliminer diverses activités de son quotidien. C’est la théorie des cuillères: l’énergie d’une journée est limitée, l’endurance à la douleur consomme une part fixe et souvent importante, il faut alors emprunter sur l’énergie du lendemain à un taux d’intérêt démesuré.

La clé c’est la confiance – Comment aborder le sujet ?

L’intégration en milieu de travail d’une personne souffrant d’un problème de santé mentale est une question délicate. Tout d’abord, il faut garder en tête que ces problèmes sont toujours perçus comme des stigmates. Plusieurs personnes qui souffrent de tels problèmes ne le savent même  pas, ou nient la situation; la plupart de ceux qui en sont conscients préfèrent garder le secret.

Prendre le temps de développer une relation

En effet, l’impact que peut avoir la révélation de cette situation peut être néfaste sur les perspectives de carrière d’une personne. Le partage un tel secret ne peut donc se faire que dans le cadre d’une relation de confiance authentique. Ce genre de relation ne peut être mise en place qu’après un certain temps. Il est donc possible de devoir attendre avant de pouvoir vraiment soutenir une personne qui souffre. Selon moi, il n’y a pas d’urgence, le seul impératif qui puisse justifier une action immédiate et unilatérale est si la personne suggère qu’elle pourrait mettre sa propre vie en danger.

Même au sein d’une relation de confiance adéquate, il est crucial de ne pas s’improviser diagnosticien ou thérapeute. L’insinuation qu’une personne souffre d’un problème de santé mentale a été stupidement galvaudée comme une insulte de cour de récréation; une telle proposition, peu importe les bonnes intentions, peut blesser et ruiner la confiance.

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Partager ses observations

Il peut être préférable d’adresser les choses que l’on observe chez la personne, soit la fatigue, les sautes d’humeur, la performance réduite, etc., abordant le sujet avec l’intention d’écouter attentivement. Si on se trouve dans une position de confiance ou d’autorité adéquate, il est possible alors de suggérer de consulter un spécialiste de la santé mentale. Plusieurs entreprises procurent d’ailleurs à leurs employés un programme d’aide (PAE) qui offre un soutien professionnel limité aux situations de souffrance mentale.

Comment aider concrètement ?

Ceci dit, même en dehors d’un diagnostic de maladie mentale ou d’un traitement formel en cours, il est possible d’agir positivement pour faciliter l’intégration en milieu de travail d’une personne X que l’on pense souffrir d’un problème de santé mentale.

Le respect de la gestion de l’énergie

La théorie des cuillères donne un framework simple et clair: essayez de minimiser le nombre de cuillères que l’on exige de ces personnes. Le travail impose une dépense nécessaire d’énergie, et cet(te) employé(e) étant un(e) professionnel(le) de haut niveau, il ou elle y consacrera volontiers cette quantité d’énergie. Il s’agit donc d’éviter de gaspiller l’énergie de cet(te) employé(e) sur des tâches ou des problèmes latéraux. Un tel engagement nécessite de réfléchir en se mettant à la place de cette personne.

Par exemple, si cet(te) employé(e) manifeste un besoin d’espace durant l’heure du lunch pour trouver son calme, il est préférable de ne pas la forcer à participer à une conversation de groupe, et d’éviter les réunions du midi autant que possible.

Si, en revanche, cette personne s’assoit près du groupe, mais demeure silencieuse, Il est possible de lui demander ce qu’il ou elle pense du sujet dont vous parlez, l’encourageant à se joindre à sa convenance.

De façon générale,

  1. Ne forcez pas la personne à s’engager dans des activités qui ne sont pas directement liées à ses tâches,
  2. Et n’insistez pas en suggérant que “ça va lui faire du bien.”

“Le respect invite la confiance, la confiance invite le partage, le partage peut mener à la mitigation de la souffrance.”

Nous sommes légion

Les problèmes de santé mentale, comme les maux de dos, peuvent être chroniques ou circonstanciels. Ils peuvent être de légers irritants ou de profonds handicaps. Et ils affectent un grand nombre de professionnels, des gens dont les qualités et les capacités sont immenses. La maladie mentale doit être perçue comme un inévitable élément de diversité dans une équipe. Comme le comportement normatif est coûteux en énergie pour ceux qui souffrent, il est important d’aménager l’espace de travail pour cette différence. Un bon environnement réduit la souffrance et permet à chacun de consacrer à son travail toute l’étendue de sa compétence.

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Photo by Tim Mossholder on Unsplash

3 réponses

  1. Plusieurs contraintes physiques mal gérées comme la douleur dégénère souvent en maladie mentale, comme la fibromyalgie qui est prise souvent comme une maladie mentale, mais qui est en réalité physique. Méchante dualité à gérer

  2. Merci, Benoit, de nous faire voir le travail par la lunette de la maladie mental. C’est rare comme angle et, je n’en doute pas, très courant. Merci pour ton courage, ton ouverture et tes explications claires. Tu me pousses à être plus attentive. Et merci à toi, Isabelle, d’avoir incité Benoit à s’exprimer ici.

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