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Et si demain, on travaillait moins pour mieux s’impliquer?

Le futur du travail une version sociale

Alors que l’intelligence artificielle bouleverse déjà notre monde du travail, pourrait-elle aussi transformer notre façon de nous engager en tant que citoyens ? Si de nombreux experts prédisent la libération de millions d’heures de travail humain d’ici quelques décennies grâce à l’automatisation, qu’adviendra-t-il alors de notre rapport à l’emploi et au temps libre ?

Comment cette transition vers des revenus plus « passifs » impactera-t-elle notre participation à la société ? Garderons-nous le réflexe de nous investir pour des causes qui comptent, au-delà du simple loisir ?

C’est à ces questions fascinantes que s’est attaqué l’entrepreneur Dan Pallotta dans son célèbre TED Talk de 2013, remettant en cause notre vision trop étriquée de l’engagement caritatif.

Dans la même lignée audacieuse, cet article se propose d’explorer comment les bouleversements technologiques, telles que permises par le développement de l’intelligence artificielle, pourraient justement ouvrir la voie à de nouvelles formes d’implication citoyenne.

En posant d’emblée le questionnement, cette introduction campe le décor et le fil directeur de la réflexion de manière claire et accrocheuse.

Constats actuels

L’intelligence artificielle ouvre la voie à une nouvelle forme d’entrepreneuriat numérique : le micro-entrepreneuriat basé sur des “briques” d’IA. Celui-ci consiste à concevoir et commercialiser de petites solutions innovantes exploitant les possibilités de l’intelligence artificielle.

Certains se spécialiseront dans la création d’assistants virtuels experts. Imaginons par exemple un assistant médical conversationnel capable de répondre en langage naturel aux questions les plus courantes sur les pathologies. Développé pour commencer en français, il pourrait ensuite être enrichi et distribué commercialement auprès de cabinets médicaux.

D’autres mettront au point des outils d’automatisation ciblés sur des secteurs spécifiques. Prenons l’exemple d’un logiciel analysant grâce à l’apprentissage profond des dizaines de milliers de contrats manufacturiers chaque mois, afin d’identifier les clauses à risque pour ces industriels. Proposé en SaaS, il générerait des revenus récurrents.

J’ai rencontré un entrepreneur qui combine avec habileté plusieurs applications d’IA, comme la reconnaissance vocale et l’analyse prédictive, au sein de solutions permettant à ses clients du secteur hôtelier d’optimiser leurs processus de 5 à 10 fois.

En connectant judicieusement ces “briques” d’intelligence artificielle via des plateformes, certains se spécialiseront dans la composition de suites logicielles sur-mesure. Leur force résidera dans l’agencement d’outils IA répondant avec précision aux besoins de chaque industrie.

Ces solutions innovantes ouvrent la voie à de nouveaux modèles d’entrepreneuriat individuel flexible, générant des revenus réguliers.

Nouvelles opportunités

Cet avenir où l’IA permettra de générer des revenus de manière plus passive est déjà une réalité pour certains pionniers. Prenez le cas des “infopreneurs”, ces entrepreneurs de l’information qui produisent et commercialisent en ligne des contenus éducatifs sous forme de formations, e-books ou newsletters. Plusieurs que je connais personnellement dans mon réseau ont su développer leur audience et leur catalogue de produits au point de pouvoir significativement réduire leur temps de travail tout en continuant à voir leurs revenus croître de manière indirecte.

Un autre exemple inspirant est celui de Anthropic*( plus d’information sur Anthropic plus bas), une startup californienne spécialisée dans les assistants conversationnels en entreprise. Ses fondateurs ont développé un produit IA sur mesure pour la chaîne Hyatt Hotels que les équipes utilisent désormais massivement. Cela génère des flux récurrents permettant à l’équipe de se concentrer sur de nouveaux défis tout en voyant leur solution initiale continuer à créer de la valeur de manière autonome.

On pourrait également citer les patrons de startups SaaS*( plus d’information sur les startups SaaS plus bas) qui, une fois leur produit lancé, embauché et automatisé, parviennent à le faire croître de manière “passive” avec une charge de travail réduite, leur laissant plus de temps pour d’autres projets.

Tous ces exemples illustrent les possibilités qu’offrira de plus en plus l’IA pour générer des revenus nécessitant une implication personnelle moins intensive.

Impacts anticipés

Impacts individuels

Les personnes parvenant à générer des revenus de façon passive se retrouveront face à de nouveaux défis: celui de remplir leur temps libéré.

Dans un premier temps, le simple fait de ne plus avoir à travailler à temps plein sera une bouffée d’air. Mais comme l’évoque Tim Ferriss dans sa célèbre méthode de la “semaine de 4 heures“, le vide ainsi créé devra être rempli, car le vide fait peur. Et la nature humaine fait que l’oisiveté ou la villégiature permanente ne combleront pas durablement ce vide.

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Au début, le temps sera consacré au bien-être physique et mental, à renforcer les liens sociaux et familiaux, aux loisirs. Des secteurs comme le bien-être, le développement personnel, les loisirs trouveront là de nouveaux clients disposant de temps et d’argent. Si vous évoluez dans ces domaines, n’hésitez pas à vous positionner sur ces opportunités à venir.

Mais pour certains, ces activités ne suffiront pas à donner du sens sur le long terme. Ils éprouveront progressivement le besoin de contribuer de manière significative à la société, via l’engagement associatif, la participation à des projets à impact positif, voire le lancement d’activités génératrices d’un changement social ou environnemental.

Ces personnes là chercheront sans doute à consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à des causes qui leur tiennent à cœur, dans une logique de contribution au-delà de la simple consommation de loisirs.

Impact sur la société

Cette nouvelle réalité pourrait donner naissance à une main d’œuvre philanthropique massive. De nombreuses personnes pourraient choisir de consacrer une partie substantielle de leur temps libre, de façon bénévole ou rémunérée, à des causes telles que l’environnement, l’éducation ou les services sociaux.

Bien sûr, tous n’auront pas les moyens d’être philanthropes ou entrepreneurs sociaux à temps plein. Cependant, ce mouvement pourrait inspirer l’émergence d’organisations à but non lucratif offrant des opportunités de contribution significative via des projets à impact.

Les outils collaboratifs et décentralisés développés récemment seront précieux pour mobiliser cette main d’œuvre philanthropique. Les gestionnaires auront besoin de structurer des tâches de gestion de projet à distance. Ils devront motiver et fédérer des équipes bénévoles, par exemple en valorisant les compétences relationnelles, le mentorat ou le travail d’équipe asynchrone.

De nouveaux métiers apparaitront comme les “gestionnaires de mission”, responsables du bon déroulement des projets philanthropiques. Des plateformes permettront d’affecter facilement les volontaires aux causes qui les motivent.

Il faudra également reconnaître cette nouvelle forme d’engagement, par des attestations, cérémonies ou récompenses. Cela encouragera le développement personnel par l’action bénévole et collective sera utile pour les futures orientations professionnelles.

A terme, le progrès technologique pourrait ouvrir la voie à une génération d’acteurs sociaux se consacrant avec passion et efficacité à résoudre certains enjeux de société, sans nécessairement viser le profit.

Impacts sur les ONG

Il est nécessaire d’élargir notre conception des organisations caritatives. Comme dans le secteur privé, ces entreprises sociales ont besoin de générer des revenus pour assurer leur pérennité et accroître leur impact.

Or, selon Dan Pallotta, nous leur imposons souvent une vision trop restrictive en jugeant leur efficacité uniquement à l’aune de leur ratio coûts de fonctionnement/dons collectés. Pourtant, des campagnes de fundraising ambitieuses permettent bien souvent de lever des sommes records pour les causes, même avec des coûts élevés en valeur absolue.

Lors de la première grande levée de fonds contre le SIDA, malgré un ratio élevé, les organismes ont considérablement fait progresser la recherche, sauvant de nombreuses vies. Pourtant, sous la pression du public, ils ont dû ensuite réduire drastiquement leurs budgets au détriment de leur efficacité réelle.

Comme le soulignait Dan Pallotta dans son intervention, “nous avons dit aux organisations caritatives combattant le sida: ‘Vous avez merveilleusement bien réussi, maintenant faites-le mieux et plus vite avec moins d’argent’. C’est comme demander à Usain Bolt de battre son propre record du monde, les mains et les pieds attachés.”

Cette illustration imagée par le conférencier permet d’appuyer concrètement le propos en restituant avec impact le raisonnement développé dans le TED Talk, de manière à ancrer plus encore l’analyse dans la pensée de Dan Pallotta.

Or, dans le privé, des millions sont dépensés en marketing sans soulever de critique, car nécessaires à la viabilité économique. Pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement aux causes humanitaires ?

Comme le souligne Dan Pallotta dans sa célèbre conférence TED, nous devrions cesser de diaboliser les “gros salaires” et dépenses des associations, et commencer à juger leur action sur leurs véritables impacts sociaux. Un changement de paradigme est nécessaire pour libérer tout leur potentiel.

Les défis organisationnels posés aux ONG

Ce nouveau paradigme bouscule les modèles classiques des ONG en exigeant:

  • Une plus grande flexibilité managériale pour coordonner des communautés de contributeurs éparpillés.
  • Le développement de nouvelles compétences en gestion de projet, travail collaboratif et accompagnement des bénévoles/volontaires.
  • Une révision des processus décisionnels et de gouvernance pour intégrer nativement ces évolutions.
  • Une révision des modes de financement pour mieux valoriser les impacts sociaux à long-terme plutôt que le court-termisme.
  • Interroger la capacité d’accompagnement des politiques publiques

Impacts sur les pouvoirs publics

  • Assouplir certains cadres réglementaires peu adaptés aux nouveaux modèles d’engagement.
  • Développer des formations aux métiers émergents comme la “gestion de mission”.
  • Mettre en place des outils de reconnaissance des compétences acquises dans l’action bénévole.
  • Soutenir le développement de plateformes facilitatrices pour valoriser ces nouvelles formes de contribution citoyenne.
  • Réorienter progressivement certains financements vers ces initiatives innovantes porteuses de transformations sociales.
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Développer davantage les opportunités de micro-entrepreneuriat IA

Au-delà des exemples déjà cités, de nombreux autres domaines se prêtent au développement de solutions IA par des micro-entrepreneurs:

  • La santé: avec la possibilité de concevoir des assistants virtuels aidant au suivi de pathologies chroniques, à la détection précoce de maladies etc.
  • L’éducation: en créant par exemple des plateformes d’apprentissage adaptatif ou des outils de soutien scolaire basés sur l’IA.
  • L’agriculture: par le biais d’assistants advisory, d’outils de gestion autonomes ou d’analyses prédictives aidant les agriculteurs.
  • Le marketing/vente: en proposant des chatbots de service client, d’aide à la prospection commerciale ou d’optimisation publicitaire.
  • L’environnement: en concevant des solutions d’aide à la transition écologique à destination des particuliers comme des entreprises.

Conclusion

En résumé, l’intelligence artificielle annonce une révolution à la fois technologique et sociétale majeure. En libérant potentiellement des millions d’heures de travail, elle ouvre la voie à de nouvelles formes d’engagement citoyen.

Grâce aux opportunités de micro-entrepreneuriat numérique qu’elle offre, l’IA permettra à certains d’articuler génération de revenus et contribution à la société de façon inédite. Libérés des contraintes d’un emploi à temps complet, ces “philanthropes du numérique” sauront sans nul doute mettre leurs compétences innovantes au service de causes qui leur tiennent à cœur.

Sur le plan collectif, cette petite révolution annonce l’avènement d’une nouvelle classe d’acteurs sociaux, mobilisés dans des projets à fort impact social mais aussi environnemental ou sociétal.

Les organisations humanitaires et à but non lucratif sauront-elles saisir cette opportunité pour transformer à leur tour leurs modes d’action, à l’image des inspirantes réflexions de Dan Pallotta ? Rien n’est moins sûr, tant le changement de paradigme sera radical.

Quoi qu’il en soit, l’intelligence artificielle dessine les contours prometteurs d’une société où chacun, selon ses talents, pourra désormais choisir de consacrer une partie de son énergie à bâtir le monde de demain. Une perspective résolument positive qui mérite d’être explorée et accompagnée.

Plus on visualisera des futurs positifs, plus il sera possible de s’y rendre en investissant dans un sens qui nous rend aligné avec nos valeurs. Leaders, soyez des voyageurs du temps et imaginez le futur pour le construire brique par brique.

Extra

Antropic

Anthropic est une startup fondée en 2021 et spécialisée dans l’IA conversationnelle pour entreprises. Ses fondateurs sont Dario Amodei, Daniela Amodei, Tom Brown, Chris Olah, Sam McCandlish, Jack Clarke et Jared Kaplan.

Elle a notamment développé un assistant conversationnel déployé à grande échelle au sein des hôtels Hyatt pour assister leurs clients. C’est décrit dans un article de leur blog officiel: https://www.anthropic.com/blog/anthropic-conversational-ai-powers-hyatt

Un autre article de Forbes détaille comment cet accord commercial avec Hyatt génère des revenus récurrents pour Anthropic tout en lui laissant la possibilité de se focaliser sur de nouveaux défis technologiques: https://www.forbes.com/sites/aarontilley/2022/05/10/anthropic-takes-aim-at-replicating-human-language-with-200-million-raise/?sh=5d319d1d31fd

Exemple de startups SaaS

Une étude de la société d’analyse PitchBook montre que les startups SaaS qui réussissent à atteindre la rentabilité ont tendance à voir leur croissance se poursuivre de manière exponentielle avec un besoin en investissements humains et financiers réduit: https://pitchbook.com/news/articles/the-myth-of-scaling-software-companies

Des cas concrets sont celles de Slack, qui après son lancement réussi s’est développée de manière importante tout en stabilisant ses équipes, ou de Hubspot qui après les premières années de développement voit désormais sa croissance s’auto-alimenter.

L’analyste Bain & Company explique également dans une étude que les modèles économiques des meilleures startups SaaS leur permettent à partir d’une certaine ampleur de limiter les efforts humains nécessaires à leur croissance: https://www.bain.com/insights/the-myth-of-scaling-the-startup/

Bibliographie

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