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Réapprendre à s’organiser – après une commotion cérébrale légère

Aujourd’hui, exceptionnellement, je vais vous partager une histoire très personnelle. Il y a quelques mois (presque 1 an aujourd’hui), j’ai eu un grave accident de vélo de montagne, le diagnostic à mon arrivée à l’hôpital consistait en plusieurs fractures, une instabilité cervicale, des dents déplacées et une commotion cérébrale. Au départ, j’étais en déni total du sérieux ma condition. En vélo de montagne, tout le monde sait dès le début qu’il y a des risques de chute, mais lorsque cela arrive, on remonte immédiatement sur le vélo pour continuer de s’amuser. Mais ça n’a pas été le cas pour cette chute-là ! Je peux vous dire que cet accident m’a apporté son lot de découvertes sur moi-même et sur le fonctionnement du cerveau, mais il m’a aussi permis de réapprendre à m’organiser après un événement de cette ampleur.

Note : Je ne me permettrais pas de dire que je suis une spécialiste de la commotion cérébrale, comme tout ce qui touche au cerveau et à son fonctionnement personne ne sait vraiment quels vont être les répercussions. C’était ma première commotion et je l’espère, la dernière. Par contre, j’ai décidé de prendre cet accident et ses impacts comme une opportunité de réviser complètement mes méthodes d’organisation, et je pense qu’il pouvait être intéressant de vous partager cet apprentissage.

Les symptômes d’une commotion ou TCC

Le traumatisme crânien ou craniocérébral (TCC) se définit par l’ensemble des lésions et des troubles provoqués par un choc direct ou indirect à la tête. Le cerveau est secoué ou frappé violemment, de façon à provoquer la destruction de cellules ou à entraîner une irrégularité dans son fonctionnement normal.

Les séquelles peuvent varier d’une victime à l’autre et elles peuvent être physiques, cognitives et/ou affectives et comportementales

Séquelles PHYSIQUES

  • Paralysie totale ou partielle ;
  • Difficulté de coordination ;
  • Diminution ou perte de la vue et de l’ouïe.

Séquelles COGNITIVES

  • Difficultés d’apprentissage ;
  • Déficits de l’attention et de la concentration ;
  • Troubles de mémoire et du langage.

Séquelles AFFECTIVES ET COMPORTEMENTALES :

  • Impatience ;
  • Perte d’inhibition ;
  • Agressivité.

Sources : Fondation Martin Matte — n’hésitez d’ailleurs pas à contribuer en faisant un don à la fondation.

Dans mon cas, j’ai cumulé toutes les séquelles cognitives, mais aussi affectives et comportementales. Par chance je n’ai pas de séquelles physiques en tout cas rien de permanent selon les spécialistes. Pour moi ce qui m’est arrivé n’est qu’une situation temporaire, pour un temps indéterminé, et c’est que le temps qui arrangera les choses. Encore une fois, la clé c’est le temps !

La prise de conscience

Lorsque j’ai lu la liste de mes séquelles, j’ai bien compris ce que cela pouvait impliquer, mais le vrai choc a été lorsque j’ai réalisé que certains éléments acquis de ma vie ne l’étaient plus.  J’ai eu un second choc plus tard, lorsque j’ai constaté que je ne reconnaissais plus mes capacités cognitives et énergétiques. Il est assez terrible de constater que son cerveau n’est plus aussi fiable qu’avant. J’ai alors eu besoin de comprendre si c’était grave et si c’était une situation permanente.

Par chance mes médecins m’ont dit que ce n’était ni grave ni permanent. Chaque jour je me répétais qu’au final j’étais en vie, que tout allait plutôt bien. Un de mes premiers défis a été de vivre ma nouvelle condition, entourée de personnes qui ne pouvaient pas comprendre ce que je vivais. Heureusement, pour moi, j’ai quand même été soutenue par des personnes qui maîtrisent le sujet des TCC. (J’en profite pour dire un gros merci à mon ergothérapeute Janie Guimond et à mon médecin de famille de m’avoir si bien accompagné.)

La difficulté d’acceptation

Le dénie de ma nouvelle réalité était tel que dès que mon corps me l’a permis, j’ai tenté de revenir à mon état pré-accident. Dans ma tête je me disais, mes fractures physiques sont réparées, mes douleurs ont disparu à 80 %, alors « let’s do it » ! Je retourne à la « normale », mais je n’avais pas tenu compte des séquelles cérébrales. Avec du recul, je me demande pourquoi j’étais si pressée de revenir à mon état initial. Peut-être par peur de devoir accepter ma nouvelle réalité cérébrale. Mon subconscient anticipait peut-être la suite et ne voulait pas accepter cette réalité.

Exemple de ce qui se passait dans mon cerveau

Je joue régulièrement à un jeu dans lequel j’ai des stratégies pour optimiser les probabilités et mes choix en cours de jeu. Lorsque j’ai voulu rejouer la première fois, et me rappeler les règles ou les stratégies, j’ai creusé dans ma mémoire et je n’y ai rien trouvé.

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C’est comme si la porte qui menait habituellement à cette partie de mon cerveau s’était fermée. Je dois donc me trouver une autre façon de réapprendre les règles du jeu et de retrouver les stratégies que j’avais élaborées avant mon accident. Mais je peux faire cela seulement si j’ai l’énergie et pas trop mal à la tête (car j’ai constamment mal à la tête). Dans ces conditions seulement j’ai une chance de peut-être pouvoir réapprendre. Mais parfois c’est tout simplement le trou noir.

Rien à faire mon cerveau « BUG » et n’arrive pas à trouver un nouveau chemin. Dans cette situation, je ris de moi-même, je prends note de mon nouvel état et j’arrête d’essayer de jouer. Si vous traversez ce genre de situation, vous savez que deux options s’offrent à vous :

  1. Tenter de réapprendre à un autre moment,
  2. Attendre que cela revienne naturellement.

Réapprendre est difficile avec un cerveau blessé, alors il faut choisir si vous voulez réapprendre ou passer à travers votre journée sans trop avoir mal à la tête. La difficulté pour moi avec l’option deux et que cela génère un doute. Je me demande si mon état ne sera temporaire que si je force mon cerveau à réapprendre. Est-ce que si je ne fais rien et que j’attends, mes capacités vont véritablement revenir ? Pour les jeux, il est plus facile de faire le choix d’attendre, mais pour d’autres éléments c’est moins évident. Selon mon ergothérapeute, il n’est pas nécessaire de forcer mon cerveau à revenir à son état « normal » en faisant travailler. Il faut juste être patient.

La perte de repères

Une fois mon déni passé, j’ai réalisé que je devais apprendre à vivre sans repère. Car je ne sais plus ce que je sais ou ce que je ne sais plus. Je ne reconnais plus ma capacité à :

  • Apprendre,
  • Comprendre un texte,
  • Faire des calculs mentaux,
  • Gérer mes émotions,
  • Prendre des décisions (aussi faciles que de faire mon épicerie en ligne, de dire oui à un ami pour aller marcher quelques jours à l’avance, que de décider quoi manger…)

Ce manque de repères fait qu’il devient difficile pour moi de planifier mes journées, mes semaines comme j’avais l’habitude de le faire. Alors, j’ai dû me trouver de nouvelles méthodes d’organisation pour m’adapter à ma nouvelle réalité, celle où mes capacités sont inconnues et variables dans le temps.

Les 3 grands axes que j’ai dû repenser ont été la fréquence, la vitesse (qui sont les deux paramètres de la longueur d’onde) et l’énergie.

1. Réapprendre la gestion de son horaire (vitesse et énergie)

La première astuce a été de modifier mon point de vue quant à la gestion de mon horaire. Puisque mes capacités varient drastiquement en fonction de la journée et du temps, il m’arrive de manque d’énergie pour accomplir une tâche. Je dois donc établir mes objectifs en fonction d’un résultat et non d’une efficacité ou du temps. À la place, je regarde la liste de mes tâches et activités et je ne fais que ce qu’il est possible de faire en fonction de mon état du moment. Je dois respecter mon rythme, prendre des pauses et arrêter lorsque la meilleure qualité possible est atteinte.

N’analysez pas la qualité du résultat et votre efficacité en fonction du temps, mais plutôt en fonction de vos capacités actuelles. Par exemple, si une tâche vous prenait autrefois 1 h, mais qu’aujourd’hui vous avez eu besoin de 3 h, regardez plutôt votre résultat sans comparer avec vos capacités d’avant et appréciez l’état de bien-être quand vous avez fait l’activité ou la tâche.

Par conséquent il faut donc réduire la prise d’engagement avec un délai précis, mais plutôt se concentrer sur l’atteinte du résultat qui arrivera quand il arrivera et non à un moment précis.

2. Trier ses activités en fonction de ses capacités (énergie)

Pour réussir l’astuce 1, il est très utile de savoir catégoriser ses tâches et activités en fonction de leur exigence.  Essayez de toujours avoir une liste de choses à faire lorsque :

  • Votre énergie, et vos capacités cognitives sont basses (car honnêtement juste regarder la télé ou internet tous les jours ce n’est pas très gratifiant),
  • Vous vous sentez en forme et que vous avez moins de douleur.

Comme ça en fonction de comment vous vous sentez, vous pouvez choisir. D’ailleurs, une des tâches de cette liste peut être de créer ces listes ! Personnellement, mes listes comprenaient d’écouter des livres, de tester de nouvelles recettes, de parler avec des amis, de marcher, marcher, marcher, d’aller me chercher un London Fog au café près de chez moi et de développer une amitié avec les baristas…

3. Travaillez à réduire l’énergie nécessaire pour votre routine (énergie)

Toutes les semaines, nous avons des tâches et responsabilités qui reviennent. L’épicerie, le ménage, le lavage, sortir les poubelles et le recyclage, laver les draps, faire de l’exercice… L’astuce ici est de prendre le processus de chacune de ces tâches et d’essayer de les optimiser pour les rendre moins énergivores.

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Voici quelques exemples :

  • Ramasser les affaires régulièrement plutôt que de faire un gros ménage une fois par semaine.
  • Ne pas attendre trop longtemps avant de faire le lavage pour avoir une charge facile à gérer.
  • Créer une liste de préférence pour les achats d’épicerie récurrents, pour ne pas avoir à trop réfléchir à chaque commande.
  • Déléguer ou demander de l’aide à un ami pour tout ce qui vous coûte cher en énergie.

Si vous manquez de motivation pour faire de l’activité sportive, jumelez deux activités qui vous plaisent. Pour moi c’est aller me chercher un « London fog » (thé au lait inventé au Canada il n’y a pas si longtemps _Article en anglais seulement) et parler avec le barista du café près de chez moi. Une fois dehors, étendre la durée de ma marche devient plus facile.

4. Réapprendre l’évaluation de sa réussite (fréquence)

Nous sommes tous des pianos, nous avons tous des notes qui nous composent. Les centres d’intérêt, les compétences, les expériences sont les fréquences qui nous composent. Bien que je sois différente aujourd’hui après mon accident, j’ai toujours plusieurs notes à mon piano. Je peux toujours jouer de mon piano, mais autrement. 

Oui, la musique que je peux jouer aujourd’hui est différente, mais au moins je peux toujours jouer. L’objectif ici est d’ajuster constamment vos attentes en fonction des notes disponibles et d’apprécier la valeur des nouvelles notes que vous êtes en train d’acquérir en vous acceptant comme vous êtes au moment présent.

Apprendre à vivre avec ce qui est disponible dans le moment présent et en être heureux est une véritable compétence. Pour la développer, pensez à baser votre évaluation en fin de journée non pas sur ce qui a été fait, mais sur l’être que vous êtes. C’est une réelle qualité d’être soi au moment présent et de savoir l’apprécier.

5. Réapprendre quand et pourquoi faire des pauses (vitesse)

Prendre des pauses en nombre suffisant est un réel défi pour moi. J’ai beaucoup de difficultés à ralentir ou arrêter mes idées et mes projets.  Avant mon accident, je m’encourageais à prendre des pauses à heures fixes, et parfois je n’en prenais même pas, car j’étais dans « la zone », dans mon « état de flow » alors pourquoi arrêter ? C’est tellement agréable d’être dans cet état de flow. Je ne prenais des pauses que si j’étais tannée ou fatiguée. J’allais donc jusqu’au bout de mes limites avant d’arrêter. Pour la personne que je suis aujourd’hui, je peux vous dire que cette méthode ne fonctionne plus. Si je m’entête à aller au bout de mes limites, cela peut-être terrible, je risque de me retrouver avec un mal de tête insupportable pendant des jours. 

J’ai défini de nouvelles raisons de prendre une pause. Il faut parfois, par exemple, prendre une pause juste pour prendre une pause, et ce, même si je n’en ressens pas le besoin. Le défi supplémentaire aujourd’hui vient du fait que je ne me rends pas compte que j’en fais trop. Je le réalise beaucoup trop tard et c’est la douleur qui me le fait réaliser. Alors pour éviter ce douloureux contrecoup, j’arrête, je prends des pauses pendant lesquelles je ne fais littéralement rien même si je n’en ressens pas le besoin. Juste pour permettre à mon cerveau et mon corps de suivre !

Il existe plusieurs types de pauses pour reposer son cerveau. Il y a les pauses :

  • Physiques
  • Cérébrales (réflexion, apprendre, analyse [lecture], concentration à écrire, organiser),
  • Sensorielles (son, lumière),
  • Pour la gestion de la douleur.
Prendre des pauses de douleur est essentiel. Je suis pour ma part très dure à la douleur, j’ai tendance à me dire que je peux l’endurer que je suis capable. Mais j’oublie que mon cerveau lui aussi analyse la douleur et il a donc aussi besoin de pause d’analyse de la douleur. Par conséquent, je me concentre à trouver des moyens pour éliminer et réduire la douleur. C’est rendu une nouvelle passion !

Conclusion

En conclusion, bien que ma commotion cérébrale soit une situation temporaire, cette période m’amène son lot de défis et d’opportunités de me redécouvrir, d’explorer, de tester et de réapprendre. La commotion m’a permis de vivre un saut quantique majeur et me force à revisiter et réapprendre tout ce que je tenais pour acquis. J’ai beaucoup de gratitude pour ce que cette situation m’apporte et m’aide à comprendre et par conséquent j’espère que ce partage pourra vous aider vous aussi à y trouver le positif si vous vivez une situation ou vos repères sont complètement changés. Et si vous n’avez pas eu d’accident, mais que vous voulez quand même plus d’astuces, pour vous apprendre à vous organiser allez lire cet article.

Et cet accident m’a une fois de plus prouvé que ma maxime est la bonne:  La clé c’est le temps !

Photo by Vinicius “amnx” Amano on Unsplash

2 réponses

  1. Superbe article, j’aime vraiment le bon mélange de recherche et de commentaire personnel. Félicitation pour ton humilité, ton positivisme, ta persévérence… Un article à lire et à relire

  2. Ton article est vraiment très complet sur la question. Le fait que ce soit du vécu donne beaucoup d’authenticité et détails dans le contenu. Je suis content de constater que même cet accident t’a aidée dans ta démarche de la maîtrise de ton temps. Je crois profondément que chaque épreuve de la vie nous amène toujours du positif au finale.

    Merci pour toutes tes techniques d’organisation qui sont vraiment bonnes et qui vont faire gagner du temps à tous 🙏

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